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What Henry Knew
20 novembre 2010

Les vertus du chambre à part – ou l’apologie de la cloison

fragonard_stolen_kissNe trouvez-vous pas tout simplement ab-errant que deux êtres humains, à partir du moment où ils se déclarent socialement et matériellement dans un état (selon moi proche de l’Ohio, que dis-je, du Wisconsin à ce stade…) de vie  conjugalo-commune, se retrouvent chaque nuit de ladite vie conjugale et ô si désespérément commune, à partager la même couche/literie/couette afin de s’adonner à l’activité qui exige pourtant le maximum de silence, quiétude, sérénité et paix de l’âme pour atteindre son paroxysme de réalisation, à savoir : dormir? (fin de la question, point d’interrogation, appréciation de l’impact, impossibilité de savoir c’est-juste-un-post-sur-internet-ne-suis-pas-Cicéron-haranguant-la-foule, donc à la ligne)


Cela m’a personnellement toujours sidérée, estomaquée et causé nombre d’insomnies…


Est-ce qu’une Madame de  Merteuil se serait abaissée, selon vous, à partager night in and night out la couche de son (argh, le mot doit lui écorcher ses oreilles si fines d’héroïne chaderlos-de-laclosienne – mais bon, elles ont connu la petite vérole, elles ont vu pire)… mari (qu’elle a eu l’extrême intelligence de laisser mourir bien avant elle, la maligne).

Il n’y avait sérieusement que les paysans de l’époque pour accepter de partager une promiscuité aussi obscène, et cela, j’imagine, pour les raisons suivantes:


1.   1. Le syndrôme Koh-Lanta: Un autre être humain, ça tient chaud. C’est une histoire bassement calorique au final. J’en veux pour preuve irréfutable les épisodes de l'émission sus-citée où, malgré l’hygiène de toute évidence douteuse des candidats, chaque équipe se retrouve à ressembler sur la plage, l’obscurité totale et le froid arrivant, à un service de petites cuillers (en plastique, pas en argent, on est à la télé, plus chez Laclos) qui auraient été minutieusement disposées par la main invisible et experte, non pas d’Adam Smith, mais de Bree Van de Kamp. En un mot: quand tu te les cailles, tu te plaques à n’importe quelle source de chaleur environnante (bouillote, chat, candidat honni d’un jeu de télé-pseudo-réalité-mon-oeil-oui), c’est de l’instinct de survie, basta.

 

2.   2. Le syndrome Loft-Story: Les cloisons, ça fait baisser l’audimat. L'open-space, ya qu'ça de vrai pour motiver l'audience téléspectatrice. Pour reprendre l’exemple de ma famille de paysans d’un siècle pré-iPhonien, quand t’as quatre générations crêchant dans la même bâtisse en ruine sans chauffage central et se partageant un pauvre quignon de pain moisi à huit, tu peux pas décemment créer un espace “privé” (parce que de toute façon tu crois que ça leur parlait l’idée mireille-d’arcienne de “vie-privée-mais-laisse-moi-un-peuuuuuh-j’ai-besoin-de-mon-espaceeeuhhh”?!) pour l’arrière-papy, la mamie, les cinq mômes (oui, les six autres avaient déjà succombé à la naissance, l'absence d'hygiène générale, et l'hiver au fin fond du Lot-et-Garonne au moment où j’ai pris mon exemple). Donc tout le monde dormait façon cuillers de pique-nique bree-van-de-kampées - avec d’éventuelles piques et niques ça et là entre cousins, on imagine bien.


3.   3. Conclusion = Partager volontairement le même lit de manière répétée frise l’insanité, c’est signe de conditions hivernales rigoureuses rendues insupportables par l’impossibilité de se payer un chauffage d’appoint digne de ce nom. En un mot: c’est super has-been, pour pas dire péquenaud, voire carrément moyenâgeux. Citez-moi un roi de France qui ait dû coucher avec sa femme dans toute l’histoire – hormis les nuits dédiées à la reproduction de l’engeance royale, et encore je suis sûre que la reine repartait dans ses appartements une fois royalement ensemencée.


Personnellement, c’est une des choses qui m’angoissent le plus dans la perspective de partager un jour un appartement/une maison/un château en Espagne/un mobile-home (rayer les mentions inutiles – pitié, Karma, raye le dernier!) avec une personne de la gente masculine de sexe diamétralement opposé. J’aurai beau l’aimer du plus profond de toutes les mitochondries de mon être, me dire que je devrai supporter, et cela chaque nuit durant:


-    1. Ses endormissements éclairs en vingt secondes chrono, alors que toi tu mets religieusement MINIMUM trois quarts d’heure à t’endormir chaque soir, et ce, même après avoir scrupuleusement mis dans le diffuseur en porcelaine électrique tes dix gouttes d’huile essentielle de marjolaine, avalé tes gélules d’Euphytose (voire ton cachet de Stillnox), bu ta camomille et fait tes exercices de respiration abdominale propices à un sommeil de qualité (dixit ta prof d’Hatha-Yoga qui a lu Eat, Pray, Love et a passé trois mois dans un ashram en Inde).


-    2. Sa bougeotte nocturne, du type je suis en train de rêver que je me fais courser par un vélociraptor et hop,  je cours, je cours, mais oh! un buisson,  vite, je m’y jette et m’y agrippe comme si ma vie en dépendait (sauf qu’il n’y a pas de buisson dans son rêve, mais qu’il s’accroche bel et bien au tien de buisson, et qu’en plus de te réveiller, ça fait mal).


-    3. Ses vocalises nocturnes allant du “gmrgmongphongph” au “Noooooooooooooooooooooooon!” (oui, à ce moment-là, il est sorti du buisson et est tombé dans un tonneau sans fond) en passant par le “Téléphone!” et “Mais steuplè!” (dialogue de sourds avec les Danaïdes de toute évidence), sans oublier les ronflements indescriptibles de nuits post-cuite.


-    4. Ses réveils qui n’en finissent pas d’arriver, alors que toi, t’es réveillée depuis une demi-heure comme la fleur que tu es, et que tu aimerais trop: 1. Baiser. 2. Te lever si 1 pas possible. 3. Manger à défaut de 1, si 2 envisageable. 4. Sortir pour l'amour de tous les saints du paradis de ce lit où gît cet homme inerte qui sert à rien et aller respirer l’air frais – même s’il est hivernal, sibérien, voire pire, londonien (l’air, pas le mec).


Et que dire de toutes ces nuits où on se réveille à trois heure du mat' et considère l’autre dormant comme le gros-bébé-loir-réincarné-en-bûche qu’il est, alors que l’on serait tellement, mais alors tellement outrageusement peinarde à soigner son insomnie en lisant un bon bouquin de chick lit à la Sophie Kinsella. Mais non, on est contrainte de prendre son mal en patience ou bien de s’extirper de la chaleur de la couette pour aller lire ledit bouquin salvateur dans la pièce à côté sur un canapé waterlooien (=morne) et whirlpoolien (=froid).


Il me semble donc rationnel, cohérent et digne d’esprits éclairés du 21° siècle de considérer au moment de l’emménagement avec une personne de type je-lui-ai-dit-les-sept-lettres-et-l’apostrophe-ultimes-ce-qui-lui-confère-un-droit-régalien-sur-la-façon-de-gérer-mes-nuits, l’hypothèse ô combien délivrante de la … cloison. Vous savez, ce pan de mur en papier cigarette-mâché-carton-pâte qui transforme magiquement une chambre en deux espaces de vie et de sommeil séparés, un lit double en deux boudoirs, une décoration bâtarde vert/chocolat en un décor gris/noir d’une part et un autre blanc/parme de l’autre, bref des nuits de sommeil müsiliennes (=sans qualité) voire shéhérazadiennes (= sans sommeil du tout parce que si t’arrêtes de raconter tes 1001 nuits, toi mourir sur le champ) en des nuits de béatitude morphéenne ou d'ébats sadiens.


Quoi de plus excitant, mystérieux et sain en effet que chaque conjoint possède son espace (où il peut foutre par ailleurs son bordel, sa playstation, laisser traîner ses chaussettes sales s’il veut, peindre un mur en rouge framboise virant sur le cerise pastel si elle veut, laisser traîner ses strings et autres trangas en dentelles, tampons à moitié usagés et autres bracelets de chez Accessorize), et que de temps à autre, l’un invite l’autre à passer la nuit. Parce qu’il faut bien l’admettre, le coït de la mi-nuit réalisé dans une semi-torpeur mi-cuite, c’est quand même mastercardien (comprendre: sans prix). Le must de la galanterie s'il en est. L'esprit du libertinage des lumières à l'aune de l'ère post-post-moderne. Un grain de philosophie dans non pas un mais deux boudoirs. Le pragmatisme au service d'une sensualité monogame.



Mais hormis cela, je ne vois pas pourquoi l’on devrait supporter les poussées de fièvre et sueurs froides de son homme-à-qui-j'ai-dit-je-t’aime-un-jour-où-tout-allait-bien-et-où-j’avais-vraisemblablement-vu-trois-kilos-de-moins-sur-la-balance-le-matin-même-pour-être-aussi-optimiste-ma-parole, le diktat de ses couchers trop tardifs ou levers trop matinaux, ou encore le résultat esthétiquement hérétique d’un mobilier choisi d’un commun désaccord chez Ikéa (encore une fois, rien n’est plus visuellement affligeant que le compromis marital en matière de décoration d’intérieur…).


Le sommeil en compagnie, aussi attirante et douce soit-elle au demeurant,  n’est pas un acte banal: il a été galvaudé et traîné dans de sales draps par des siècles de bourgeoises habitudes et de pression immobilière (oui, car si on veut deux chambres + un salon sur Paris, il faut compter un F3, donc 350 000 euros facile, voire plus si, exigeants que nous sommes, on ne veut pas avoir de types à la mine patibulaire se shooter à l’héro sur les poubelles de notre immeuble). Cloisonnons donc, afin de rendre nos nuits plus torrides quand on les veut telles, plus sereines, douces et complètes le reste du temps.

 

Je suis pour l’invitation à baiser, l’invitation à rester dormir si l’envie folle nous y prend (parce qu’une nuit d’insomnie quand elle est voulue et assumée, ça fait clairement du bien), pour la possibilité de pouvoir dormir en revanche tout son soûl en se couchant à 19h30 un soir si on veut, de pouvoir être malade, tousser, moucher, cracher en paix quand un virus a eu raison de nous, de pouvoir lire le dernier Nick Hornby/mater un épisode de Private Practice ou écrire sur son blog sans qu’une voix à moitié endormie nous marmonne sur un ton mi-agressif, mi-mais-elle-est-folle: “Mais qu’est-ce que tu fais? Ca va pas? Putain, éteins, il est quelle heure?!”

En somme: oui à la vie à deux, si cela implique le même nombre de lits. Je rêve du jour où un mec bôforintélijandrôl me dira: “Je t’aime tellement que je veux que tu dormes du sommeil des déesses (version néo-féministe du ‘sommeil des dieux’) la majorité des nuits de ta vie. Et cela ne m’empêchera pas de t’apporter le p’tit déj au lit, ni de venir te réveiller crapuleusement certains matins, ni de venir parfois me glisser contre toi en plein de milieu de la nuit pour faire honneur à la déesse que tu es (après m’être au préalable informé la veille ni vu ni connu que tu n'as pas de rendez-vous importants le lendemain matin et ne dois pas te lever aux aurores, das ist selbstverständig) [NoteDeMoiAVous: parce qu’un homme bôforintélijandrôl est en outre multilingue]. Et si on faisait chambre à part?” Et là, je lui répondrai: “Prends-moi tout de suite contre la cloison.”


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